Nous avons vu plusieurs dizaines d’athlètes pendant cette année écoulée. Qu’ils soient professionnels, semi-pro, amateurs en voie de le devenir … ils nous ont tous dit “merci Flora, sans toi je n’aurai jamais compris ou fais cela”. A cette phrase en général, je sourie amicalement, et je réponds : ” Je n’ai rien fais, c’est toi qui a fait le travail, je t’ai seulement accompagné du point A au point B”.

C‘est en effet le sportif lui-même, qui réalise ses grandes avancées et ses plongées en eaux troubles : au cœur de son mental de joueur.

Et pourtant, à la question “pourriez vous me laisser un commentaire sur ma page Google ou témoigner de mon travail auprès de vous ?“, je me suis retrouvée avec un silence, une absence de réponse, un vu, ou un “non je ne préfère pas”.

Sur les 102 athlètes rencontrés en séances collective ou individuelles depuis ces trois dernières années, seulement 4 ont laissé un commentaire Google ou un témoignage sur le web. On a évidemment chercher à comprendre pourquoi.  Et on vous en parle aujourd’hui (sans silence ! ).

Le silence : costume du sportif.

Ils ont appris à ne rien montrer.

Pour être ou devenir meilleur : il faut se taire, parler peu, ne pas montrer, ne rien laisser transparaitre. C’est ce qu’on appris les sportifs de hait niveau dès leur plus jeune âge. Il faut être solide et avoir un mental à toute épreuve. Et pour cela, leur entourage familial ou sportif leur apprend souvent : à se taire !

C’est d’ailleurs contre-productif, car les démons du sportif reviennent le frapper aux moments les plus importants de leur projet sportif. Les émotions masquées, camouflées et balayées pendant des années, deviennent un terrible cocktail explosif que le joueur doit avaler et cuver, souvent seul face à lui-même.

Quand il fait appel à une expertise extérieure pour l’accompagner à faire le tri dans la marmite émotionnelle, prendre du recul constructif, et  trouver les solutions concrètes pour rester et devenir plus fort : évidemment il n’en parle à personne.

La concurrence est rude et il ne faudrait pas qu’un autre joueur fasse appel aux services de celle qui a contribué à lui sauver sa saison !

Aveu de faiblesse ou moyen pour ses ambitions ?

J’ai vite compris que personne ne parle de son préparateur mental, dès ma phase de formation. Un basketteur m’avait sollicité pour l’aider à dépasser une sale période : des stats en baisse, un temps de jeu qui diminue, ses tris à 3 points qui ne rentre plus, sa famille qui est loin… J’ai débuté les séances avec lui, sans tarification car j’étais au début de mes études et ce sportif pro était l’occasion d’explorer ma vocation et mettre en œuvre mes cours et techniques spécifiques.

Après quelques semaine je lui explique que dans le cadre de l’obtention de mon diplôme je dois suivre un athlète pendant 6 mois, réaliser trois dossiers d’analyses, et faire ma soutenance de mémoire sur cet athlète : “Est ce que je peux le faire avec toi ?”. Je me souviens encore de sa 1ère question face à ma demande : “Est ce que mon coach va être au courant ?”. J’ai répondu oui, car mon travail d’analyse doit être complet et être basé sur une approche tripartite : Athlète- Coach – Equipe.

Son visage fermé et à la fois reconnaissant a prononcé : ” Non je suis désolé je préfère en parler à personne”, seule ma femme est au courant. Quand il a quitté le Club pour un poste en équipe de ProB, il m’a écrit pour me remercier de tout ce que j’avais fais “pour lui” et nous avons été heureux de nous revoir quelques années plus tard ,avec femme et enfants, et discuter du chemin parcouru depuis.

Un accès à leur grotte : leur mental.

Percé en plein cœur : leurs émotions.

Un parcours de préparation mentale ça ressemble un peu à une mission exploration : avec du canyoning (ça remu), de la spéléologie (il faut sortir la lampe frontale pour explorer des passages sombres), agrémenté d’un petit saut à l’élastique (on fait le vide avant de sauter).

Pour avancer et évoluer, il est nécessaire de parler. J’explique souvent la 1ère fois : “Je vais poser beaucoup de questions, elles sont essentielles pour que je comprenne comment fonctionne ton cerveau qui créé tes émotions, celles qui te font perdre en performance”.

Le footballeur, la basketteuse, le golfeur sont des êtes humains : ils ressentent, ils souffrent, ils doutent, ils sont frustrés, ils sont pincés… bref ils ont un cerveau et non pas uniquement 2 pieds et 2 mains pour tirer ou shooter.

Alors quand on touche du doigt le cœur de leur cerveau, forcément c’est compliqué a partager avec les autres. Car le joueur doit être fort et solide, un peu comme “un roc sans terrain émotionnel”.

Et c’est pourtant là où se trouve la clé de mon action et de leur évolution.

Une expérience jamais oubliée.

C’est le jour où j’ai reçu cet appel, du père d’un jeune Rugbyman qui joue au Stade Toulousain que j’ai compris ! Bonjour Madame, je vous appelle pour prendre mon fils en suivi, j’ai eu votre contact par XX. Il m’a dit que vous l’aviez beaucoup aidé quand il était à Chartres”.

Surprise, je me souviens de ces deux séances avec XX, c’était en 2021, je ne l’ai pas revu depuis, et je ne savais pas que “je l’ai beaucoup aidé”. Car un athlète suivi en séance, s’en va souvent sans un mot. Il ne dit pas grand chose, le silence règne et il poursuit son propre chemin.

Cet athlète parlé de mon travail à un ami sportif trois ans après. Il a osé dire (avouer ?) qu’il a fait appel à une préparatrice mentale dans une circonstance qu’il avait déjà connu : être en difficulté.

Finalement je réalise que les sportifs échangent parfois entre eux, sur leurs moments de doutes et de crises. Ces vagues qui rythment leur carrière et pour lesquelles parfois il est nécessaire de faire appel à un professionnel. Car le coup de téléphone à son ami, ses parents ou un co-équipier ne suffit pas.

Conclusion :

Si un athlète de haut niveau attend souvent d’être au pieds du mur pour faire appel à un préparateur mental et psychologique, le silence règne à tous les stades de son parcours. Quand il débute son suivi, il le fait “en catimini”, et quand l’accompagnement prend fin c’est souvent pareil : sans dire un mot. 

Mais ce que je retiens de ces multiples expériences, c’est que lors de nos séances d’exploration l’athlète s’ouvre, son regard se détend, il parle (peu au début) et fini son parcours avec une meilleure capacité à verbaliser et réaliser son auto-analyse pour réguler lui-même ses émotions et réactions.

Il se laisse porter par sa préparatrice mentale, pour aller découvrir ses failles jusqu’alors maquillées. Ensemble, nous les traitons à coup d’antiseptique fort et de pansements persos qu’ils mettront en œuvre tout au long de leur carrière.

J’en profite pour remercier tous les sportifs qui, silencieux ou non, m’ont ouvert la porte de leur grotte pour les accompagner à réaliser leurs objectifs, ou tout simplement : devenir meilleur !