La fin de saison sportive approche, et pour certains athlètes c’est déjà terminé. Alors pour achever nos accompagnements et avant de débuter ceux de la rentrée, il est l’heure de faire : le bilan !

Comment se mesurent les apports, les bénéfices, les échecs ou les progrès d’un parcours de préparation mentale ? Sans points, ni classement, sans statistiques ni barème de notation…comment se mesure la progression mentale ? C’est la question qu’on aborde aujourd’hui avant de souhaiter une belle intersaison à tous nos athlètes Overflow suivis cette année.

 

Un bilan “mental”, est-ce possible ?

Mesurer le mental ou l’impact du mental sur le résultat ?

Quand on parle d’un objectif sportif (compétitif ou amateur), il est évidemment question d’un objectif chiffré et quantifiable : “J’ai pour objectif d’être dans le top 5”, “Je souhaite courir mon marathon en moins de 3h30”, “Je souhaite me qualifier aux championnats d’Europe”, “Je veux la médaille d’or cette année”... Bref un objectif sportif est chiffré, ou du moins tangible et visible sur le papier !

Pour l’atteindre, les entrainements physiques-techniques-tactiques sont mis en place et réalisés tout au long de la saison par l’athlète. Il est donc possible de mesurer sa progression par des chiffres, des temps, des points, des statistiques, des évaluations…etc.

Lorsqu’on ajoute de la préparation mentale, 4ème pilier d’une performance, à son entrainement, cela exige de la même manière d’avoir un objectif défini, un programme suivi, et des éléments d’évaluations.

S’il est possible de mesurer l’effet des trois premiers paramètres par des bilans chiffrés, comment mesurer l’impact d’une saison de préparation mentale ?

Pour en parler nous avons souhaité partager l’expérience de nos athlètes et leur laisser la parole.

Élise Marié, capitaine de l’équipe du C’Chartres Basket Féminin, évoluant en Ligue 2, a suivi cette année, et pour la première fois de sa carrière de joueuse professionnelle, un parcours de préparation mentale. De façon collective hebdomadaire pendant 7 mois, mais également de façon ponctuelle individuelle ou sous forme d’ateliers semi-collectifs.

Elle nous a fait le plaisir (et la surprise) d’écrire quelques lignes afin de partager son expérience, pour elle et au nom de son équipe. Nous la remercions et nous creusons le sujet du “bilan” juste après !

 

Cette saison l’équipe du CCBF a été suivi collectivement et aussi individuellement par Flora concernant la préparation mentale.
Ce que je peux dire sur la préparation c’est que je pense qu’elle nous a permis en tant qu’équipe à souder des liens au niveau de la cohésion qui a été le point fort de notre équipe sur la saison. Chacune des joueuses avait le droit à son temps de parole, la possibilité d’exprimer des ressentis et pouvait se dévoiler à cœur ouvert en étant écoutée par l’équipe sans jugement. C’est ce qui je pense a permis de créer si rapidement cette cohésion et cette confiance que nous pouvions avoir les unes envers les autres.

 

De nombreux thèmes ont été abordé au cours des séances collectives comme la confiance, la communication, la projection visualisation etc. De nombreux thèmes que nous connaissons déjà tous, mais abordés de façon différente et nous permettant de les appréhender d’une toute autre manière.
En plus de tout ce qu’elle nous a apporté du point de vue de la préparation mentale, une vraie relation de confiance s’est créée entre Flora et toute l’équipe. Elle nous a accompagné à surmonter une période délicate entre novembre et décembre où nous étions en difficulté et le moral était en baisse. Flora était présente, avec toute son énergie communicative, ses outils et techniques originales pour trouver ensemble des solutions et des axes de progression mentale. Elle a su créer un espace de prise de conscience collective, qui nous a aidé à sortir de cette spirale négative le plus vite possible.

En conclusion je dirais de cette première année de suivi en préparation mentale qu’il n’y a que du positif à en tirer que ce soit du point de vue individuel et collectif.

Elise Marié. Joueuse du C’Chartres Basket Féminin. 

 

Un objectif mental c’est différent d’un objectif sportif.

Rappelons que le mental est un élément sur lequel nous travaillons afin d’optimiser nos performances. C’est à dire qu’il constitue un apport supplémentaire et complémentaire à la réussite d’un objectif sportif (compétitif ou non). C’est donc un maillon de la chaine de réussite d’un projet sportif.

Aussi, avoir un objectif mental, permet de favoriser l’atteinte d’un objectif sportif chiffré. D’ailleurs les athlètes l’expriment de façon claire lors de nos premiers entretiens.

A la question : “Quel est votre objectif de préparation mentale ?” , voici ce qu’ils nous ont répondu :

  • Améliorer ma frustration pendant les matchs”
  • “Réduire mon stress compétitif”
  • “Réussir à reprendre confiance en mes capacités” (après une période de blessure)
  • “Canaliser ma peur de l’échec”
  • Arrêter de me comparer aux autres coureurs et enfin me sentir légitime à gagner”
  • Reprendre du plaisir et libérer mon jeu”.

 

En effet, un athlète ne parle presque jamais de technique, de résultats ni de points avec son préparateur mental.

Pourquoi ? Car cela n’est pas son travail, et cela n’est pas (en soi) l’objectif du travail mené ensemble lors des séances. Le parcours et les exercices réalisés en séance ont pour objectifs de permettre aux sportifs de mieux performer.

  • gagner en relâchement (utile à ses tirs),
  • apprendre à chasser les pensées négatives (pour améliorer sa concentration du début à la fin d’une course),
  • mettre en place des conditionnements particuliers (lors des matchs à fort enjeu),
  • travailler la communication avec les membres d’une équipe (pour gagner en fluidité d’action).

Ou “tout simplement” travailler sa confiance pour renforcer la conscience de ses compétences, lorsque les performances sportives sont en berne.

En réalité avec les athlètes que j’accompagne, on ne parle jamais (ou rarement) de chiffres.

Flora Chanteperdrix

“Et afin d’améliorer leur résultat, nous creusons ensemble ce qui permettrait de mieux l’atteindre. D’ailleurs en général je ne demande jamais son score à un sportif lorsqu’il revient de compétition Je l’interroge sur ses ressentis, ses sensations physiques et corporelles, nous décomposons les phases de la compétition : avant, pendant la compétition et sur certaines actions précises que nous avions travaillé. Nous analysons les outils qui ont servis et ceux qui ne sont pas encore acquis ou alors pas adaptés”.

C’est ce feedback là qui sert réellement à améliorer la performance mentale.

Un coureur de BMX est rentré de compétition en m’expliquant qu’il était impossible pour lui de respirer juste avant le départ, ce qui pourtant permet d’évacuer le stress et décrisper le corps pour être dynamique et fluide sur son départ. Il m’a expliqué qu’à 40 secondes du top départ il est corporellement déjà “gainé”. Alors nous avons adapté et mis en place une technique d’ancrage différente et plus adaptée pour la future compétition.

“Un sportif ou un groupe de sportif est unique. Mon travail c’est de faire dans la dentelle, sinon peu d’effets sur la durée.”

 

Corps et mental, c’est différent, alors comment cela se mesure ?

Pas au chronomètre !

A-t-on déjà demandé a un champion s’il est devenu champion en quelques mois ? Evidemment nous avons tous la réponse ! Alors pour les compétences mentales et émotionnelles ça fonctionne de la même manière.

Car bien au delà d’une saison, un athlète s’entraine depuis son enfance, à réaliser des exercices, des gestes, des postures, des techniques qui lui permettent de devenir plus performant et donc atteindre les objectifs qu’il se fixe chaque année.

Alors une ou deux séances flash de “prépa” ne servira pas ponctuellement à l’atteinte d’un objectif compétitif d’un niveau élevé. Car tout comme les muscles, l’endurance, la vitesse, la précision d’un tir, ou la maitrise d’un ballon … les capacités mentales et émotionnelles se travaillent sur la durée. Et c’est d’ailleurs le paramètre très souvent oublié : le temps.

 

Lâcher des yeux le temps, le chrono, les points et les statistiques…c’est le plus gros challenge à faire pour un athlète. Et c’est pourtant c’est une des meilleures façon d’évoluer et de tirer le réel bénéfice des séances de prépa mentale. Lui offrir un espace de travail dans lequel il est dégagé mentalement de la pression chiffrée : c’est là que, selon-moi, se trouve la clé pour agir efficacement ensemble.

Grâce à des prises de conscience on gagne du temps et on obtient donc des changements et des résultats tangibles.

 

Il faut du temps, de la persévérance et de la maitrise.

En effet, quand on aborde avec un sportif ou un entraineur la question du mental, il est souvent question d’urgence. On commence a travailler les compétences mentales et émotionnelles car il y un problème” ou “un gros challenge”. Et face à la pression du résultat et de l’enjeu compétitif, on veut souvent aller vite.

Cependant, les éléments travaillés en préparation mentale : gestion de l’énergie, maitrise des émotions, stabilité de la motivation, consolidation de la confiance, facultés de concentration et de communication…bref la “tambouille interne” qui ne se voit pas : elle se forge et se consolide dans la durée.

Tout comme les performances techniques se développent avec du temps, la préparation mentale en demande également, sur le terrain et également en dehors.

 

Le feedback comme seul et unique instrument de mesure “fiable”.

Car si le travail mental a vocation à améliorer la performance sportive, il est souvent difficile d’en mesurer l’effet. Compliqué en effet de savoir si ce qu’on a investi dans le développement de sa façon de réagir, d’être concentré, et de gérer les vagues émotionnelles sert réellement à ce qui se voit “à l’extérieur” : le résultat chiffré.

Il n’est pas rare pour un athlète de se sentir progresser dans la bonne gestion mentale de sa saison, mais pourtant d’avoir l’impression que “tout cela n’a servi à rien”, lorsque le résultat sportif chiffré, n’a pas été atteint.

Ou au contraire, on entend parfois des spectateurs mettre en avant que la préparation mentale a été l’élément clé de la réussite .

Mais cela ne reflète pas la réalité ! C’est faire des “raccourcis hâtifs” et ne pas prendre en considération les causes et conséquences multifactorielles d’un résultat.

Car le sport individuel ou collectif, recouvrent une multitudes de paramètres avec des impacts et des conséquences différentes. Que ces paramètres soient physiques, techniques, stratégiques ou mentaux, nous le savons tous ! Ca peut vriller sur un match, une action, un mois, ou une saison. J’explique souvent que la performance est une grande marmite dans laquelle il faut beaucoup d’ingrédients pour que le plat soit parfaitement équilibré.

“Mon rôle, c’est que les athlètes parviennent durablement à l’équilibre et évitent l’instabilité”. 

J’ai vu une athlète échouer sur un unique combat qui a duré à peine 3 minutes, et remettre en question tout le travail investi depuis des mois. C’est là que la gestion des émotions et l’accompagnement vient agir concrètement. Continuer à stabiliser la confiance, la motivation, la concentration, malgré le chiffre obtenu. Ce travail permet d’aborder la prochaine compétition avec la même stabilité, victoire ou défaite, peu importe le résultat. Depuis cette défaite en janvier dernier, elle a poursuivi ses entrainements physiques et mentaux quotidiens avec la même détermination et s’est qualifiée aux Championnats d’Europe en juin 2022.

 

Mesurer la progression émotionnelle et mentale d’un athlète.

Les graduations de ressentis : une façon d’explorer et exprimer les futurs axes de travail.

En fin de saison, nous utilisons nous aussi des systèmes de notation et de graduation des ressentis. L’idée est de pouvoir chiffrer des ressentis et sensations intérieures, de façon globale sur la saison complète.

Comment mettre des chiffres sur des réactions mentales et émotionnelles ?

C’est là toute la technique et la difficulté de notre métier. Et le principal facteur mesurable c’est tout d’abord la confiance et la bienveillance installée entre le sportif , le coach et le préparateur mental. En effet, il n’est pas rare que les premières séances soient exclusivement destinées à ouvrir la parole et communiquer, individuellement ou en équipe. Sans cela : pas de travail sur le mental, pas de croissance, pas de résultat.

C’est donc à l’heure du bilan que ce principal facteur se mesure, ainsi que tous les autres paramètres et sujets travaillés avec le sportif.

Les athlètes notent, de façon individuelle ou collective, leur évolution ressentie sur la saison. Puis nous identifions les facultés mentales et émotionnelles acquises, et celles qui faut améliorer pour poursuivre l’optimisation de la performance.

 

Cela me permet de savoir si les graines plantées ont germé ou pas, et qu’elle partie du jardin mental il va falloir continuer à arroser, et les parcelles qu’il faut laisser s’épanouir et désherber de temps en temps.

 

Privilégier la performance plutôt que le résultat : l’unique facteur de croissance.

Le résultat chiffré vient souvent confirmer ou infirmer aux sportifs (et aux spectateurs) si l’objectif a été atteint ou non. Mais il est nécessaire de mettre beaucoup de nuances dans cette observation très factuelle.

La performance c’est évoluer et aller chercher toujours plus loin. C’est pour cela que j’utilise des graduations et des échelles, des couleurs et des images…afin que le sportif puisse regarder de façon neutre et détachée du résultat, ses évolutions et continuer à avancer. 

 

D’ailleurs, les champions d’aujourd’hui sont ceux qui se sont accrochés (et pas seulement aux chiffres ponctuels) et ceux qui ont continué à travailler et explorer leurs potentiels avec constance.

 

La constance est un gage de croissance selon moi. C’est d’ailleurs pour cette raison que je ne qualifie ou ne commente jamais un résultat. Je me dois d’être constante dans l’écoute et l’analyse des ressentis des athlètes que j’accompagne.

Aussi je ne suis pas “attachée au score”, car cela serait susceptible de créer des filtres d’interprétations qui pourraient être erronés et contre-productifs. Je préfère observer en silence ce qui se passe, laisser les sportifs s’exprimer, et trouver ensemble les axes de progressions.

Dans le cadre de la charte de déontologie qui encadre mon métier et ma certification,  je suis moi-même supervisée toutes les 8 semaines par un coach professionnel. Cela m’offre l’espace pour échanger et encore évoluer sur ma propre gestion émotionnelle et ainsi garder le cap.

C’est un gage de constance et donc de performance.